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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/108

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mien, pensait-il tout bas, car enfin c’est moi qui l’ai instruit.

— Celui de ma mère, dit l’enfant avec émotion.

— Cher enfant, dit le père en le baisant au front, pourquoi cette pensée ?

— Pourquoi ? s’écria le petit Agrippa, parce que ma mère, qui est morte en me donnant le jour, ne m’a point quitté cependant, et vient bien souvent la nuit me parler, me conseiller et me presser dans ses bras.

— Oui, monseigneur, ajouta le précepteur, il a de ces visions ; je n’avais pas osé vous le dire.

— Laissez-le parler, répliqua le père ; dis-moi, dis-moi, mon enfant : quand et comment as-tu vu ta mère ?

— Je l’ai vue, répondit l’enfant avec émotion et gravité, depuis le jour où j’ai commencé à penser, et toujours elle m’est apparue sous la même forme, belle, grande, douce, toute blanche ; elle venait la nuit frôler de ses vêtements les rideaux de mon lit ; elle me donnait des baisers ; sa bouche était froide et me brûlait pourtant. Il y a trois mois, quand je commençai ma traduction de Platon, elle m’apparut toute souriante ; je n’entendais pas sa voix, aucune parole ne s’échappait de ses lèvres, et cependant je sentais dans mon esprit qu’elle me disait : » Travaille, mon cher fils, console ton père de ma mort, toi qui l’as involontairement causée ; sois l’honneur de notre maison ; nos jours sont rapides, ne perds pas ceux de l’enfance dans les jeux ; travaille, ta mère te regarde et s’en réjouira. » Elle s’éloigna en me parlant encore des yeux, puis sembla disparaître dans la brume du matin, qui montait devant ma fenêtre. Depuis ce jour, mon père,