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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/158

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béant et s’est écrié au récit d’une tuerie : » J’aurais voulu être là ! »

— Brave enfant ! murmura le duc.

— Il ne nous a quittés que lorsque celui qui parlait s’est endormi de lassitude, là, près des cendres chaudes, où il dort encore. En nous quittant, M. de Turenne a dit : » Je vais voir ce qui se passe à l’autre bivouac. »

Le père se remit en marche ; les canons des remparts allongeaient sur la neige leur long cou noir comme autant de crocodiles sur une plage d’Éthiopie. Le duc en passant les caressait de la main : » Ils dorment, disait-il, mais ils se réveilleront quand apparaîtra l’ennemi. »

Quelque chose tout à coup sembla se mouvoir dans l’ombre. » Est-ce un soldat appuyé sur sa pièce ? » s’écria le duc de Bouillon. Les torches que portaient les serviteurs s’inclinèrent, et le duc reconnut son fils qui dormait sur le canon couvert de neige, comme il l’eût fait sur son lit dans la chambre de son précepteur.

Le duc de Bouillon sourit d’orgueil en reconnaissant son enfant.

» Ohé ! ohé ! voici l’ennemi, cria-t-il en éteignant les torches et en tirant le petit Henri par la jambe.

— L’ennemi ! répéta Turenne à moitié éveillé. Eh bien ! qu’il arrive, je me battrai ! »

Et il se mit dans une posture guerrière, les poings serrés et tendus en avant. Son père l’entoura de ses bras et l’y serrant. » Prisonnier ! prisonnier de guerre ! s’écria-t-il.

[Illustration : Turenne dormant sur un canon]

— Vous, mon père ! vous ! dit le jeune vicomte en reconnaissant la voix.

— Oui, oui ! Vous ne songez pas, petit malheureux, à l’inquiétude de votre mère durant cette belle équipée ; et pourquoi,