Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/160

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capable de faire bientôt mes premières armes sous vos ordres. »

Le père embrassa son fils.

» Allons, en marche, prisonnier, dit-il en riant ; voici la chaîne de mon bras, et je ne vous lâche pas jusqu’à ce que votre mère vous emprisonne à son tour.

— Dans ses bras aussi, » répliqua l’enfant en baisant son père au front.

Les serviteurs reprirent à pas précipités la route du château. Le duc de Bouillon et son fils, qu’il serrait par la main, se hâtèrent ; derrière eux le précepteur, en soufflant, courait sur la neige pour se réchauffer, et surtout pour mettre fin plus vite aux angoisses de la duchesse. Quand on fut à portée de la voix, on cria : » Le voilà ! le voilà ! nous vous ramenons le fugitif. » La duchesse accourut. Elle se jeta dans les bras de son mari et de son fils. Ses larmes étouffaient sa voix. Elle voulait gronder l’enfant qui venait de lui donner tant d’inquiétude, elle n’en trouva pas le courage.

» Sa vocation est bien décidée, lui dit le duc quand ils furent seuls ; il ne faut plus la contraindre.

— Mais sa santé si délicate ! objecta la mère.

— L’air des camps fortifie, répliqua le duc ; notre fils vivra, duchesse, et je prévois qu’il sera l’honneur de notre famille. »

Dans ce temps-là, Henri de Turenne était un enfant faible et chétif, petit de taille, la poitrine enfoncée, la mine pâle ; ses yeux noirs brillaient dans leur orbite, et ses sourcils épais, qui se touchaient, lui donnaient quelque chose de dur et de méditatif. Sa mère tremblait toujours pour sa vie et redoutait pour lui le métier des armes. C’était