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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/225

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sa petite chambre pour s’y recueillir ; elle plaça là, sur une planche où vous voyez ces clous, quelques livres français, anglais et latins qu’on lui avait laissés : elle mit sa table de bois de sapin près de la fenêtre, elle y écrivit plusieurs heures par jour ; elle désira que la tête de son lit fût tournée en face des remparts. Souvent, quand elle devint plus faible, elle restait étendue tout le jour, l’œil fixé vers la fatale fenêtre.

Elle obtint de mon aïeule qu’on lui ouvrît la chambre où le roi Charles avait été prisonnier ; cette chambre n’existe plus aujourd’hui, il n’en reste qu’un débris de mur, là à droite.

Le premier jour qu’elle y pénétra ce furent de nouvelles larmes ; les murs lui faisaient mal, elle y voyait passer les peines et les humiliations subies par le roi son père. On m’a dit que les pensées douloureuses usent la vie plus vite que les souffrances du corps ; l’histoire de la princesse Elisabeth le prouve bien. Cependant elle voulait vivre, vivre pour élever son petit Henry, suivant la promesse sacrée qu’elle en avait faite à son père.

Aidée par son frère, elle transforma en oratoire la chambre du roi. Quand le printemps commença, ils y apportèrent des fleurs comme on fait à une tombe ; ils y lisaient ensemble la Bible qui n’avait pas quitté leur père et qu’il lisait, lui aussi, prisonnier à la même place ! — Il fallait la voir attentive et tendre pour son bien-aimé petit Henry ! Tant qu’un peu de force lui resta, elle lui faisait chaque jour réciter des vers latins, lui parlait de l’histoire d’Angleterre, de celle de France et des autres pays lointains. Tandis que le jeune duc écrivait ses leçons, elle travaillait elle-même, elle faisait des fraises