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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/227

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d’interrompre son double travail ; elle avait coutume de répondre : » Je ne puis laisser mon pauvre frère dans l’ignorance, et je dois me servir moi-même, puisque les bourreaux de mon père l’ont décrété. » Ce qui rendit son mal rongeur incurable, c’est qu’aucune voix du dehors ne leur apportait l’espérance. Elle ignorait le sort de sa mère et des quatre enfants qui l’avaient suivie ; où étaient-ils ? S’ils étaient libres, comment ne venaient-ils pas les délivrer ?

Elle sentait bien qu’elle se mourait ; pourtant jamais une plainte ne s’échappa de ses lèvres. On lui entendait dire sur le pardon et sur la vraie grandeur du chrétien des choses qu’elle tenait du roi son père, et qui remplissaient d’admiration ceux qui l’écoutaient.

On était arrivé à la fin de mai et l’île avait revêtu cette parure d’herbes, de fleurs et de feuillages que vous lui voyez ; les petits prisonniers se promenaient deux fois par jour sur les remparts et dans la place d’armes, mais les remparts étaient le lieu préféré, tant à cause de la fenêtre qui les attirait que de la campagne qu’ils voyaient de là se dérouler devant eux. C’était toujours un peu de liberté pour les yeux ! Ils apercevaient sur la mer glisser de beaux navires, ils suivaient les travaux champêtres dans les terres voisines ; les plaisirs des villageois dansant et vidant des brocs en bas des remparts, dans le petit village de Carisbrooke.

Par une belle journée, ils virent passer une noce ; tous les paysans et paysannes qui formaient le cortége de la mariée chantaient et portaient des bouquets pour lui faire honneur. Quand ils aperçurent les enfants du roi, tristement assis sur les remparts, ils cessèrent leur chanson et