Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/289

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tant les livres ; là, tu pourras en avoir facilement par tous les libraires de la ville. »

[Illustration : Il s’exerçait déjà dans de petites compositions]

L’enfant bondit de joie à ces paroles ; depuis longtemps il enviait la profession de son frère aîné, mais jamais il n’avait osé espérer que son père lui permettrait de la suivre un jour.

Travailler dans une imprimerie n’a jamais répugné aux philosophes, aux poëtes et aux moralistes ; témoin notre Béranger et notre de Balsac. Il y a dans cette composition matérielle d’un livre, une sorte d’association avec son enfantement intellectuel ; c’est comme le corps et l’âme d’une créature.

Fabriquer les plus beaux livres de la littérature anglaise, en saisir quelque fragment tout en alignant les lettres de plomb dans les cases, respirer la pénétrante odeur de l’imprimerie au lieu de la senteur si fade et si repoussante de ses odieuses chandelles, cela sembla le paradis les premiers jours à notre petit Benjamin ; si bien qu’il oublia à quelles dures conditions son frère l’avait reçu apprenti dans son imprimerie. Ce frère aîné, nommé James, était aussi calculateur et positif, que l’enfant rêveur l’était peu ; il n’avait consenti à prendre le petit Benjamin chez lui, qu’à la condition qu’il y travaillerait comme simple ouvrier jusqu’à vingt et un ans, sans recevoir de gages que la dernière année.

Les premières années de cet apprentissage passèrent assez doucement pour le petit Benjamin qui trouvait toujours un grand bonheur dans l’étude et dans ses excursions en mer. Son frère, pourvu que les journées d’atelier eussent été bien remplies, ne se préoccupait guère que l’enfant manquât ses repas et prît sur son