Le soir, il y avait grand concert à la villa Borghèse : le palais et les jardins étaient illuminés, et une de ces belles nuits d’Italie toute ruisselante de lumières suspendait à la cime des grands arbres les étoiles comme des fruits d’or. Les statues des bosquets ressemblaient à des femmes craintives qui se cachaient pour entendre les airs mélodieux s’échappant des salons par les fenêtres ouvertes. Aux chants succédaient des morceaux de musique instrumentale. Il y eut un moment où tous les assistants se pressèrent dans la galerie des marbres : une main exercée venait de faire entendre quelques préludes sur le clavecin : » C’est lui ! c’est lui ! disait-on ; c’est la merveille de l’Allemagne ! » et chacun désignait du geste l’enfant à l’habit vert qui méditait le matin dans la chapelle Sixtine. L’ambassadeur d’Autriche se tenait près de lui, le coude appuyé sur le clavecin, l’encourageant du regard. Tout à coup, au prélude de l’instrument, la voix de l’enfant s’élève, et il entonne avec force et suavité le Miserere d’Allegri, qui jamais n’avait retenti avec plus de vérité et de précision. Tous restaient béants de surprise et d’admiration : quelques-uns criaient au miracle, d’autres parlaient de profanation et de vol.
» Pour qu’il sache aussi parfaitement ce chant, il faut qu’il l’ait écrit pendant qu’on l’exécutait, dirent plusieurs.
— Oui, oui, il l’a écrit, s’écria un cardinal, le même qui le matin avait observé l’enfant dans la chapelle Sixtine.
— Votre Éminence en est-elle bien sûre ? répliqua l’ambassadeur d’Autriche, qui, tenant par la main le jeune musicien, s’approcha du cardinal.