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Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/354

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t des plantes de baume vulgairement appelé basilic, dont le vif parfum mitige l’odeur forte et déplaisante du cuir.

Dans l’intérieur se trouve l’établi (tout près du vitrage) couvert de l’ouvrage commencé, des matériaux pour faire ou radouber les chaussures et des instruments de cordonnier ; deux ou trois escabeaux sont autour de l’établi ; dans le fond est un petit poêle et le pauvre lit du ménage, si ménage il y a ; aux murs sont toujours appendus quelques gravures et un petit miroir à barbe.

C’était une échoppe pareille qu’habitait en 1729 un pauvre savetier de la petite ville de Steindall, en Allemagne. Cette échoppe était adossée contre le mur noir et moussu du jardin du collége, et bien souvent les écoliers, à l’heure de la récréation, s’amusaient à lancer des fruits ou des noix sur la pauvre habitation en criant : » Bonjour, savetier ! » D’autres fois c’étaient leurs souliers à rapiécer qu’ils lui lançaient de la sorte, au risque d’être fort réprimandés par leurs surveillants ; ce voisinage avait établi une sorte de connaissance entre le collége et l’honnête cordonnier, qui rapportait fidèlement les chaussures qui lui arrivaient d’une manière aussi inusitée. Insensiblement il avait obtenu la clientèle de tous ces petits démons, et elle n’était pas à dédaigner, car les mouvements turbulents de l’enfance sont la destruction des souliers.

Penché sur son établi, le pauvre ouvrier travaillait du matin au soir, malgré ses douleurs de rhumatisme aigu qui lui arrachaient parfois des cris. Il était maigre et paraissait déjà bien vieux quoiqu’il eût à peine cinquante ans ; la misère et la maladie doublent les années. Des mèches de cheveux blancs pendaient sur ses tempes amaigries et contrastaient