Si, par aventure, cette audace salubre et fière jaillit de l’esprit d’une femme, elle doit s’attendre, soit au dédain railleur du silence, soit à être traitée d’impudique et d’impie par les violateurs mêmes de toute pudeur et de toute croyance.
Dans une société à la morale factice, ce ne sont point ceux qui commettent des actes pervers qu’on réprouve, mais ceux qui dévoilent et censurent ces actes.
N’importe, il y aura toujours de par le monde des âmes honnêtes et recueillies qui feront écho à cette âme sincère.
Peut-être aussi quelques esprits puissants et glorieux soutiendront-ils mon humble tentative.
Déjà le plus attractif et le plus grand d’entre tous Victor Hugo, à qui j’avais communiqué cette brochure en épreuves, m’a envoyé de Guernesey ces paroles : « Tout cela est noble, digne, généreux. J’ai lu avec une émotion croissante ces belles pages pleines de la fièvre du beau et du bien. Courage, vaillante femme ! Vous méritez un grand succès, vous l’aurez. »
Les succès ! mot flatteur, n’a jamais été pour moi qu’un mirage. Mais est-ce que la fleur sauvage qui s’épanouit sur les sommets des Alpes et que respirent en passant les pâtres ignorés, est-ce que la brise des bois qui souffle en été, bienfaisante pour les voyageurs haletants, est-ce que les grottes de la Sicile et de la Calabre qui abritent sous leurs parois nacrées les pauvres mariniers qu’a battus la tempête, se préoccupent qu’on les glorifie ?
J’écris pour ceux qui souffrent et qui gémissent, pour les éternels vaincus de la terre. Ceux-là ne donnent pas le succès ; mais parfois au sein de leurs angoisses ils pensent, attendris, à ceux qui les ont défendus.