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sistait ; son attrait l’emportait sur sa morgue. Indignée à la fois contre son mari et dépitée d’être laissée à l’écart et dans le silence, la marquise redoublait d’agaceries auprès de l’Italien, son voisin de gauche ; mais celui-ci, plus accablé et plus morne qu’à l’ordinaire, lui répondait à peine. L’irritation de la petite femme allait croissant et se traduisait en rougeurs subites qui coloraient ses pommettes et son nez d’une façon désagréable. Tout à coup, n’y tenant plus, elle dit au beau Milanais :

— Concevez-vous, monsieur, qu’on admette à notre table des femmes de cette espèce ?

Et elle désignait insolemment l’actrice.

L’Italien, feignant de ne pas comprendre, lui répondit en la regardant d’un air vague :

— Mais, madame, de quelle femme parlez-vous ?

— Eh ! de cette actrice, reprit-elle presque à voix haute.

— Oui, je conçois qu’on recherche les comédiennes répliqua-t-il avec une sorte de cynisme affecté, car j’en ai beaucoup vu et beaucoup aimé à Venise.

La petite marquise devint très-pâle, de pourpre qu’elle était.

Nérine, qui n’avait pas perdu un mot de ce dialogue et qui craignait qu’il n’eût été entendu de l’actrice, dit aussitôt à celle-ci avec la liberté et