d’aller respirer dans un boudoir attenant au grand salon et qui était suivi d’un salon plus petit où la vieille marquise recevait ordinairement ses visites. L’amie de Byron, la belle comtesse G…, qui assistait à cette soirée, m’accompagna : je la connaissais depuis plusieurs années et lui devais, sur le noble poëte dont elle fut aimée, des détails qui le firent revivre pour moi dans sa véritable grandeur. Jugé par le sentiment, Byron n’était plus cet être bizarre et altier grimaçant sous la plume des biographes et des journalistes ; il était bon, généreux et fier ; pour dernière manifestation de son génie, il faisait avec simplicité l’abandon de sa fortune et de sa vie à la liberté.
L’aimable et poétique comtesse m’avait fait étendre à demi sur un canapé du boudoir, et, se tenant debout près de moi, sa tête courbée au-dessus de la mienne, elle faisait courir par bouffées rapides et régulières son haleine rafraîchissante sur mon front brûlant. Le souffle froid et pur qui glissait entre ses dents perlées me pénétrait par tous les pores du cerveau d’une sorte de magnétisme bienfaisant. En quelques minutes, je me sentis soulagée.
Tandis que je me reposais dans le boudoir, Antonia passa escortée de son Jean-Jacques Rousseau et de son Shakespeare ; la vieille marquise la suivait ; Antonia lui disait :
— Ma chère amie, je m’ennuie profondément au milieu de tout votre monde empesé qui me regarde comme une bête curieuse ; laissez-moi donc aller