attiré sur moi l’attention du public et celle plus recherchée de quelques salons qui faisaient à cette époque la réputation des écrivains. D’ailleurs, le nom de mon père m’ouvrait tout naturellement cette société exquise, attrayante par ses dehors, et qui finit par donner, à l’esprit et au cœur, des habitudes délicates. Les femmes étaient délicieuses dans ce grand monde ; plusieurs me distinguèrent et m’aimèrent comme elles savent aimer, du bout des lèvres et du bord du cœur. Leur vie facile et élégante est tellement remplie de choses nouvelles et charmantes qu’un amant n’y tient guère la place que d’une fantaisie de plus. Moi, je les aimais, tête baissée, avec toutes les puissances de ma jeunesse et de mon imagination. Je m’indignais de leur légèreté et du vide de leur âme ; j’étais mal appris et injuste ; elles ne pouvaient changer leur nature en m’aimant. De leur côté ces frivoles amours se dénouaient sans déchirement ; tandis que mon cœur en éprouvait une rage ironique, que je traduisais par des satires sentimentales sur des duchesses et des comtesses espagnoles, qui étaient autant de nobles dames françaises.
À l’exemple de don Juan, « rien ne pouvait alors arrêter l’impétuosité de mes désirs, je me sentais un cœur à aimer toute la terre, et, comme Alexandre, je souhaitais qu’il y eût d’autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses. » Je recherchai l’intimité des grisettes, espérant qu’elles auraient plus de cœur et plus de passion que les femmes du monde ; je leur trouvai plus de naturel, une certaine droiture et