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doux et calme regard. Ma fièvre cessa la nuit suivante, et deux jours après j’étais sur pied.

Tout en me soignant, Antonia avait refait le paquet de notre mince bagage, payé notre hôte et tout disposé pour notre départ.

— Nous retournons à Paris dans une heure, me dit-elle en riant, tandis que je m’habillais.

— Eh ! quoi, si vite ? N’étions-nous pas bien dans cette chère retraite. Qu’as-tu donc ? Je devine, tu veux me quitter ! Et je l’enlaçai dans mes bras comme pour la retenir et l’enchaîner,

— Tu seras donc toujours enfant et soupçonneux, me dit-elle. Nous partons, parce qu’une absolue solitude nous est mauvaise à tous deux, mais je ne te quitte pas,

— J’entends ; nous retournons à Paris retrouver tes amis qui m’ennuient et le monde qui nous espionne.

— Non, reprit-elle, si tu veux nous voyagerons, nous irons en Italie, nous serons seuls aussi, mais nous aurons pour compagnons et pour escorte les monuments, les vestiges des grandes civilisations, tout ce qui enflamme l’esprit, vivifie le talent et arrache le cœur aux brouillards de la solitude et aux subtilités de la passion. Ici nous ressemblions un peu trop à deux condamnés de l’amour mis en prison cellulaire dans une forêt.

Sans m’arrêter à ces dernières paroles, je l’embrassai avec ravissement ; elle ne me quittait pas, et nous visiterions ensemble cette terre d’Italie qui est restée la patrie idéale des artistes et des poëtes !