Aller au contenu

Page:Colet - Lui, 1880.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 169 —

chant, dans un élégant petit salon, qui servait de loge à la danseuse. Celle-ci se tenait ployée sur un divan de velours noir, dans une pose coquette et câline qu’elle avait dû étudier longtemps devant son miroir. Elle avait la jambe droite levée jusqu’à la hauteur de sa hanche gauche, sur laquelle son pied mignon reposait ; elle était à peine voilée d’une tunique en gaze rose parsemée d’étoiles d’argent, et qui laissait à découvert ses bras, ses épaules et son sein un peu maigre ; le cou me parut d’un modelé parfait, et la tête, très-petite, était jolie et provoquante. Elle portait au milieu du front un croissant formé par d’énormes diamants qui projetait une irradiation sur ses noirs cheveux ; elle tendit la main au riche Vénitien, qui me présenta à elle, et je devins aussitôt l’objet de toutes ses agaceries. La prima donna était plus grave : elle était vêtue d’une sorte de péplum blanc bordé de pourpre et fixé à ses épaules larges et puissantes par des agrafes de rubis. Sous ces plis de draperie grecque se dessinait la poitrine bombée dont on devinait la beauté. Le cou superbe montait droit comme un fût de colonne ; le visage avait la régularité et l’expression pensive de celui de la Polymnie. Elle me tendit cordialement la main et me dit qu’elle aimait les poëtes. La danseuse, voulant renchérir sur son amabilité, m’engagea aussitôt à souper chez son amant à l’issue du spectacle. Elle m’appela caro amico, et s’écria en riant qu’un refus équivaudrait pour elle à un affront.

Je résistai sous prétexte d’une migraine et je quittai