Aller au contenu

Page:Colet - Lui, 1880.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 217 —

côté opposé le pâle croissant de la lune flotte dans une atmosphère bleue, comme une île aérienne habitée par des esprits.

» La lune accompagnée d’une seule étoile occupe la moitié du ciel, tandis que les flots de clartés que jettent les derniers rayons du soleil se suspendent aux sommets des Alpes Rhétiques ; il semble que le jour et la nuit refusent de céder l’un à l’autre jusqu’à ce que la nature les y force… Ces lueurs diverses donnent à la Brenta la teinte empourprée d’une jeune rose qui se réfléchirait dans un ruisseau. Ainsi le ciel se réfléchit dans le fleuve tranquille et lui fait partager son éclat.

» Les feux mourants du soleil et la lumière blanche de la lune déploient toutes les variétés de leurs reflets magiques ; mais déjà la scène change ; une ombre plus épaisse jette son manteau sur les montagnes, le jour qui cède meurt comme le dauphin blessé à qui chaque phase de son agonie prête une couleur nouvelle de plus en plus éclatante jusqu’à ce qu’il expire… C’en est fait ; partout s’étendent les voiles gris de la nuit. »

Ainsi je vivais, me plongeant dans toutes les ivresses de l’imagination et de la poésie.

Antonia, que ma tranquillité apparente dépitait peut-être, continuait impassiblement son travail.

La danseuse Zéphira semblait s’être soumise à ma volonté et ne m’importunait plus de son souvenir. J’avais vaincu mes désirs et mes inquiétudes par l’excès