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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/256

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— Mais comment as-tu deviné, pauvre fille, que ce costume de Vénus me plairait ?

— Un jour, seigneur, j’ai osé vous suivre et je vous ai surpris en extase devant le tableau de la Vénus. Depuis ce jour, j’ai pensé : Je veux ressembler à cette femme.

— Et cette blancheur de ton teint, et ce mélange de ta chevelure ?…

— Ma mère a été servante au sérail de Constantinople, et m’a appris tous les secrets de la beauté des sultanes.

Tandis que nous échangions ces paroles presque lèvres contre lèvres, je la sentais tourner dans mes bras comme si un souffle nous emportait ; elle m’entraînait invinciblement dans les cercles décrits par l’agilité nerveuse de ses petits pieds.

Peu à peu elle m’avait fait sortir du salon de danse ; l’orchestre plus lointain nous guidait toujours ; nous nous trouvions dans une galerie moins éclairée et presque déserte. Je ne me rendais pas compte de ce changement de lieu ; il me semblait que c’étaient mes yeux qui se troublaient, et que mon sang, affluant vers mes oreilles, m’empêchait d’entendre la musique ; je ne m’appartenais plus ; à mon tour, je tremblais et je frissonnais dans les bras de Négra. Elle me fit asseoir sur un divan.

Tout à coup je me sentis prendre la main ; je regardai devant moi, et je vis dans sa robe de camaldule le comte Luigi démasqué, qui me dit en riant :