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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/268

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— Non, répliqua-t-elle, mieux vaut errer au large dans notre gondole.

Quelques instants après, nous étions bercés par les vagues comme dans un hamac ; les vitres et les volets de la gondole était hermétiquement clos ; Antonia s’étendit sur les coussins de cette alcôve flottante, je m’agenouillai près d’elle et je baisai ses mains et son front.

— Comme te voilà humble, ô mon orgueilleux poëte, me dit-elle en riant. Est-ce que je te fais peur ? Est-ce que tu as désappris l’amour ?

Je la couvris des plus tendres caresses auxquelles mes pleurs se mêlaient. Enfin je la retrouvais ! Enfin, elle était encore à moi ! elle effaçait ma déchéance ! elle me réconciliait avec le bonheur, avec la vie. Elle me parut plus aimante et plus passionnée qu’autrefois ; quelque chose de poignant et d’intense s’échappait d’elle.

Ce furent durant huit jours des renouvellements de jeunesse et de passion que je ne me croyais plus capable de ressentir et que je ne lui croyais plus le pouvoir de m’inspirer. Nous nous éloignions chaque matin de Venise ; nous visitions les îles voisines ou bien nous allions errer dans les campagnes que baigne la Brenta.

Nous cherchions sans cesse un nouveau cadre à notre félicité retrouvée ; il nous semblait que l’aspect des lieux inconnus ravivait nos sentiments et les rendait plus recueillis et plus tendres.

Parfois, elle me disait en riant et dans les moments de suprême volupté