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calme et sans bonheur certain m’abattit rapidement. Je sentais mes forces décroître et mon cerveau vaciller. Il me semblait que ma jeunesse m’échappait et que mon intelligence allait mourir.

Un jour, par un chaud soleil d’automne, comme nous parcourions l’île de Torcello, mes jambes défaillirent ; un frisson courut dans tous mes membres et je dus pour me ranimer me coucher sur la plage et me couvrir du sable tiède que soulevait le sirocco.

Mes tempes battaient avec force ; je sentais sur mes yeux clignotants un cercle de feu ; mes cheveux, que le vent agitait me semblaient d’un poids énorme ; mes pieds et mes jambes enfoncés dans les monticules de sable chaud, étaient froids comme si la glace les eût recouverts. Tout mon sang refluait à la tête ; mes joues devenaient de plus en plus pourpres et, vaincu par une fièvre ardente, je fus contraint d’avouer à Antonia que je souffrais. Elle me fit porter dans la gondole, m’étendit sur les coussins des banquettes et soutint jusqu’à Venise ma tête sur son bras ployé.

— Ma pauvre Antonia, lui dis-je, je crois que tes instincts de sœur de charité vont trouver à s’exercer ; je suis bien malade et si je n’en meurs pas je serai pour toi un long souci.

— Quelle funèbre idée, répliqua-t-elle, mourir ! y penses-tu ! à présent que nous pouvions passer de si beaux jours à nous aimer !

La voix de mon cœur lui criait : « Il fallait penser plus tôt à cette tendresse tardive ! ton bras, qui me