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cha de moi et me tâta le pouls, comme pour se donner une contenance.

— Vous êtes glacé, me dit-il.

— Oui, j’ai grand froid ! et, en effet, mes dents claquaient comme dans un accès de fièvre.

Antonia posa son livre et se leva.

— Voulez-vous m’éclairer, docteur, dit-elle, j’irai chercher du bois, notre servante est sortie.

— Non, répliquai-je, j’ai assez de feu, restez, je vous prie, je trouve cette chambre brûlante.

J’avais compris qu’elle voulait avertir Tiberio qu’elle ne pourrait se rendre au théâtre, et je résolus de les empêcher de se parler en secret. Mordu par une poignante jalousie, j’étais bien décidé à ce qu’ils ne se revissent jamais seuls.

Elle se rassit en levant les épaules ; Tiberio, décontenancé, nous quitta bientôt.

À peine fut-il parti, qu’elle se retira dans sa chambre, en fermant sur elle l’épais rideau qui remplaçait la porte.

Je l’entendis se mettre au lit, je me couchai moi-même, mais je ne pus dormir. Après une heure d’insomnie silencieuse, je crus comprendre qu’elle écrivait. Je me levai sans bruit et j’apparus devant elle.

— Que fais-tu ? lui dis-je.

— Je travaille, fit-elle.

— Tu n’as pas de cahier sur ton lit, répondis-je, et si tu as écrit, c’était une lettre que tu viens de cacher.