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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/293

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— De quel droit me parlez-vous ainsi, vous qui m’avez préféré toutes les impures ragazze de Venise ?

— Eh ! tu sais bien que tu mens, m’écriai-je, et que si tu l’avais voulu jamais le souffle d’une autre femme ne m’aurait effleuré.

Elle continua faisant semblant de ne pas m’entendre :

— Moi, du moins, j’ai pu aimer Tiberio sans honte, il est beau comme l’idéal et tellement bon que sa bonté vaut mieux que le génie.

— Tu avoues donc que tu l’aimes, lui dis-je d’une voix étranglée par le désespoir.

— Oui, je l’aime, s’écria-t-elle sans hésiter, mais d’un amour si pur que je puis en parler à la face du ciel. Vous autres, hommes grossiers, vous n’entendrez jamais rien à nos entraînements et à nos retenues. Le mystère en est trop divin pour que vous le pénétriez.

En me tenant ce mystique langage, elle rentrait dans la maison ; je la suivais plein de colère et d’hésitation ; d’accusateur, j’étais devenu accusé.

Cependant, à peine dans ma chambre, j’avais allumé une bougie et je lus le fragment de lettre que je serrais dans ma main.

Elle s’était assise en face de moi et croisait les bras dans l’attitude du calme et du dédain.

Je parvins à déchiffrer ce qui suit : « Ne m’attends pas ce soir, mon cher Tiberio, ce méchant fou m’empêche de sortir, mais demain je te rejoindrai au… » Le reste des mots était lacéré ou manquait.