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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/297

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chaud et m’accabla de recommandations dévouées sur ce que je devais faire en route. Lorsque l’heure de partir arriva, elle s’embarqua avec moi.

— Tu vois bien que je ne te quitte point, disait-elle ; il faut que ces lagunes, que nous avons saluées ensemble à l’arrivée, nous voient réunis au départ.

Tandis qu’elle parlait, je regardai fuir Venise, couverte d’un voile de brume, lugubre et triste comme une ville du Nord. Ce n’était plus la cité riante qui nous était apparue, couronnée de soleil, quelques mois auparavant ; on eût dit qu’émue et sombre, elle prenait le deuil du poëte.

Antonia me conduisit jusqu’à Padoue ; là, nous nous séparâmes. Je n’avais plus le courage ni de pleurer ni de me plaindre.

Elle me dit d’une voix ferme et avec un accent qui me parut sincère :

— Je t’écrirai la vérité : si je succombe, nous ne nous reverrons jamais ; si je me garde à toi, avant un mois je te rejoindrai.

Je ne l’écoutais plus : déjà la séparation était accomplie, et mon cœur s’était brisé à jamais.

Ce qu’Antonia avait de plus beau, c’était le regard : ceux qui ont été caressés ou maudits par ces yeux tour à tour si tendres et si terribles, y penseront jusque dans la mort.

Je me souviens qu’en passant le mont Cenis, à l’aspect des Alpes dans leur calme éternel, je m’écriai :

« Quel spectacle pourra donc me faire oublier et