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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/308

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— Je n’aime pas certaine surprise, répondis-je sèchement, et je vous prierai à l’avenir de ne plus projeter de me donner en spectacle à nos amis.

— Ma plaisanterie était sans fiel ; je vous croyais guéri, reprit le madré Frémont avec cette espèce de brusquerie cordiale et franche qu’affecte envers les auteurs ce paysan du Danube des libraires.

— Je suis guéri depuis longtemps des épidémies de l’enfance, répliquai-je avec ironie, ce qui ne me fera pas toutefois rechercher la vue de la rougeole et de la coqueluche.

— Pauvre Antonia ! vous la comparez à une maladie. Elle était pourtant fort séduisante hier soir, et elle a fait feu de toute la flamme de ses yeux et de son esprit pour nous faire supporter son Italien.

— Eh bien ? lui dis-je avec une certaine curiosité.

— Son beau docteur a fait un fiasco complet, reprit Frémont ; il est superbe, je n’en disconviens pas ; mais il ne faut pas dépayser ces beautés indigènes : celle de Tiberio est presque choquante dans notre monde parisien ; c’est comme si on transplantait les arènes de Vérone au milieu des boulevards. La gaucherie de Tiberio lui fait perdre son prestige. C’est un bel amoureux dans la solitude, mais qui fera rougir Antonia devant ses amis.

— À qui donc l’aviez-vous réuni ? lui dis-je.

— À Dormois, à Sainte-Rive, à Labaumée et au pianiste Hess, qu’Antonia voulait connaître ; car la passion de la marquise de Vernoult pour ce bel Allemand double