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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/313

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Grazie, diva clementissima ! s’écria l’Italien en lui baisant les mains.

— Allons déjeuner, répliqua Antonia, et soyons gais pour chasser tout mauvais présage.

Nous mangeâmes tous les trois d’assez bon appétit, mais au dessert, Tiberio se prit à pleurer.

— Du courage, mon brave, lui dit Antonia, c’est l’heure du départ ; brusquons les adieux, et ne songeons qu’à la réunion promise. Alors, prenant dans sa poche le billet de mille francs que je lui avais remis, elle le glissa dans le gousset de Tiberio. Le patito était si ému, qu’il se laissa faire, et que je ne pus comprendre s’il manquait vraiment de dignité. Après tout, que pouvait-il, le pauvre diable ? Elle l’avait enlevé à Venise, elle avait brisé sa carrière ; il était sans fortune et n’avait peut-être pas de quoi s’en retourner, triste et seul, dans son pays si joyeusement abandonné pour elle.

Tandis que Frémont parlait je pensais : Voilà le troisième amant dont elle déchire le cœur ; quand donc s’arrêtera-t-elie ?

Frémont poursuivit :

— Tout en poussant l’Italien vers la porte, elle lui tendit son front à baiser.

— Oh ! crudelissima ! lui dit-il en se permettant une caresse plus intime.

Je lui saisis le bras pour les séparer ; j’étais chargé de le conduire à la diligence. Antonia referma sa porte