choses me charmait ; quelle autre femme aurait pu me parler comme elle, avec la certitude du génie et l’enthousiasme de l’amour, des créations de mon esprit ? Je lui lisais ce que j’avais fait de nouveau, et dans ses éloges et ses critiques je trouvais une supériorité qui enorgueillissait mon amour. Qui donc m’aurait compris aussi bien qu’elle ? Qui donc eût senti à ce point le poëte dans l’amant ? Malgré quelques dissidences, n’était-elle pas, après tout, la seule femme avec qui je pusse vivre de la double vie du corps et de l’âme ?
Mais les orages devaient renaître, apportés par tous les souffles du dehors, qui ne pouvaient manquer d’arriver jusqu’à nous.
Notre réconciliation fit grand bruit ; ma famille s’en désespéra, prévoyant pour moi de nouveaux chagrins ; mes amis en plaisantèrent, et le monde me traita de lâche et de fou.
Je bravai les conseils et l’opinion, comme cela arrive presque toujours en pareille situation.
Ma passion avait été la plus forte ; je devais donc la glorifier ou du moins faire croire à tous que je n’en rougissais pas. Je reparus avec Antonia dans les promenades et aux théâtres ; elle s’y montrait souvent en habit d’homme, ce qui attirait sur nous tous les regards ; elle affectait le plus grand dédain pour ce qu’elle appelait les préjugés, et m’entraînait à l’imiter. Nous menions une vie débraillée d’artistes qu’on a appelée plus tard la vie de bohème. En sortant du spectacle, parfois quelques personnes venaient chez