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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/342

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— J’en serai charmé, répliqua-t-il un peu surpris de ma fermeté nouvelle.


Nous passâmes par un carrefour peu touffu ; mais bientôt, soit instinct, soit volonté, je dirigeai notre excursion du côté le plus noir de la forêt qui m’attirait toujours avec elle. Quoique le jour fût superbe, la lumière pénétrait à peine à travers les rameaux des vieux arbres. C’étaient autour de nous une solitude et un silence absolus qui tempéraient la chaleur de l’atmosphère : où le mouvement et le bruit ne se produisent pas, on sent le repos descendre. Nos chevaux avançaient lentement, et bientôt nous fûmes forcés d’aller à pieds pour nous enfoncer dans les taillis enchevêtrés et dans les anfractuosités des grands rocs. Je marchais sans fatigue et sans tristesse ; mais Albert Nattier, qui redoutait pour moi l’évocation d’un fantôme, jugea prudent d’en détourner mon esprit en me racontant les plus folles aventures de sa vie. Je l’écoutais en souriant, et de temps en temps je lui ripostais par un mot vif et gai qui lui donnait le change sur ce qui se passait dans mon cœur. À mesure que nous avancions et que je reconnaissais la source, la clairière et l’énorme roche tapissée de mousse noire, quelque chose de doux et de tendre s’emparait de moi ; je n’éprouvais aucun des déchirements dont j’avais eu peur : c’était une résurrection bienfaisante et tranquille des belles scènes de l’amour et de la jeunesse. Cet apaisement qui se faisait pour ainsi dire à mon insu me pénétrait de sérénité et amenait le sourire sur mes lèvres. Cette sensa-