faire tressaillir dans ma bière de vous sentir toute à moi !
— Albert, lui dis-je en le suppliant, vous avez une part de mon cœur, mais soyez clément, ne tuez pas mon pauvre amour qui depuis dix ans me fait vivre ; depuis dix ans bien d’autres que vous se sont brisés contre sa force et ont reculé devant sa fermeté ; c’est un roc inaccessible sur lequel je ne permets pas qu’on piétine. Vous pouvez me tourmenter par vos doutes et m’affliger par vos présages, mais je sens en moi la volonté d’aimer toujours et la certitude d’être aimée. Cet amour que vous ne trouvez pas dans ces lettres, il y frémit, il y brûle pour moi à chaque ligne ; vous avez l’œil froid de la défiance, et la défiance rend athée. Moi je me confie, je crois et je sens le dieu caché !
En parlant ainsi, je saisis dans mes mains les lettres ouvertes comme pour les prendre en témoignage.
— Si je les commente devant vous, reprit Albert, vous direz que je suis cruel ; l’heure n’est pas venue de vous faire entendre la vérité.
— Je ne redoute rien, répondis-je, car rien n’entamera mon amour.
— Eh bien ! soit, vous m’entendrez ; la lutte est ouverte entre cet homme et moi, et je ne saurais être déloyal en le combattant avec les armes qu’il me fournit ; il ne m’est pas seulement odieux parce que je vous aime, mais parce que je le sens aussi l’antagoniste de mon esprit et de tous mes instincts ; voyez, ajouta-t-il