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Je n’écrivis pas à Léonce pendant plusieurs jours, il s’en étonna et s’en émut ; mes lettres étaient une des plus vives distractions de sa solitude : elles lui étaient devenues indispensables ; moins pour l’amour qu’elles contenaient, je l’ai bien compris plus tard, que pour le courant parisien qu’elles portaient jusqu’à lui. J’étais la gazette quotidienne qui lui apprenait les nouvelles littéraires et celles du monde. Depuis que je connaissais Albert, ces lettres de chaque jour l’intéressaient plus encore ; mon silence subit le troubla ; il sortit de sa quiétude. Il me suppliait, avec des paroles qui me parurent vraiment tendres, de finir ce tourment qui l’empêchait de travailler et de vivre ; si je souffrais, si quelque événement agitait ma vie, je n’avais qu’à le lui dire, avant trois jours il serait près de moi. Eh ! pourquoi donc n’accourt-il pas ? pensais-je, était-ce toujours à moi de le désirer, de l’appeler et de l’attendre ?

Pourtant dans la disposition d’esprit où j’étais, le voir m’eût été douloureux ; il fallait avant qu’un peu de calme et de confiance se fussent refaits dans mon cœur. Ses lettres y contribuèrent ; elles devenaient de plus en plus