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ces heures qui détendent l’âme et lui font déposer un moment le poids des passions et des douleurs.

Quand nous redescendîmes l’avenue des Champs-Elysées pour nous rendre chez moi, les promeneurs y affluaient de plus belle. Nous aperçûmes dans la voiture d’un ambassadeur Duchemin qui se pavanait ; il eut un sourire de chat-tigre en me voyant avec Albert.

— Je ne pardonne pas à ce grotesque et cynique personnage le méchant tour qu’il vous a joué au sujet de Frémont, me dit Albert.

Et aussitôt, comme pour lui décocher une flèche, il improvisa contre le pédant quatre petits vers d’une bouffonnerie mordante : c’était sur un rhythme sautillant et vif ; on eût dit des légers coups de la patte aérienne du Trilby de Charles Nodier.

— Nous semblons prédestinés aujourd’hui à la rencontre des méchants et des sots, me dit Albert ; tenez, voilà maintenant Sansonnet et Daunis qui passent ensemble dans ce coupé : le premier, pendant qu’il était pair de France, a essayé ardemment, mais en vain, de me brouiller avec le prince qui fut mon ami ; il ne me pardonnait pas d’avoir dit à un plat journaliste qui le comparait à La Fontaine, qu’il n’était pas même le singe de Florian. Le second, Daunis, m’a empêché d’être joué sur un théâtre dont il était directeur, parce que, il y a dix ans, je ne consentis pas à lui laisser faire un drame en cinq actes sur une de mes petites comédies. Sans vanité, convenez, marquise, que c’eût été un pavé écrasant une fleur. Vous voyez qu’ils ont bien