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Je fis quelques pas chancelante et indécise ; puis je m’arrêtai, et m’appuyant contre la grille du palais Bourbon, je vis à travers mes larmes, Albert qui se dirigeait lentement vers l’autre bout du pont.


xxviii


C’est par une belle nuit de mai qu’il mourut, quand tout commençait à revivre ; il s’éteignit en dormant, sans agonie.

Lorsque je reçus la sinistre nouvelle, je gardais le lit depuis huit jours ; je fis un effort pour me lever, je voulais le revoir avant qu’on ne l’ensevelît et poser mes lèvres sur son front glacé ; je fus prise d’un accès de toux si déchirant et si long que je m’évanouis ; je dus me recoucher et pleurer loin de lui.

J’envoyai Marguerite et mon fils à son enterrement, et pour la première fois je me décidai à faire comprendre à mon enfant ce que c’était que la mort. Il m’écouta, attentif et recueilli, puis il me dit d’une voix grave.

— Mon père nous a quitté, Albert vient de partir et toi tu veux aussi me laisser, car je vois bien que tu es malade et pâle comme eux, et que je resterai seul.

— Oh ! non, cher enfant ! m’écriai-je en l’enfermant dans mes bras amaigris, je veux vivre pour toi !

— Tu as dis « Je veux ! » reprit-il avec un sourire angélique, ne vas pas faire avec la mort comme tu fais sou-