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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/72

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lontairement le toucher. Quelques touffes passaient en dehors et, oubliant mes recommandations à mon fils, d’un mouvement machinal j’y portai la main. Le lion poussa un rugissement formidable ; l’enfant cria plein de terreur et Albert qui s’était précipité vers moi, saisit ma main dégantée dans les siennes, la porta à ses lèvres et la couvrit de baisers frénétiques.

— Malheureuse ! me dit-il avec une exaltation effrayante, vous voulez donc mourir ! vous voulez donc que je vous voie là, sanglante, en lambeaux, la tête ouverte, les cheveux détachés du crâne et n’étant plus qu’une chose sans forme et sans beauté, comme les corps dissous dans un cimetière !

En parlant ainsi, il m’avait saisie dans ses bras, et malgré sa faiblesse il m’emportait, en courant, hors de la galerie ; mon fils nous suivait en criant toujours. Les gardiens nous regardaient étonnés et pensaient que j’étais évanouie. Arrivés dans une salle voisine où étaient enfermés des animaux moins redoutables, je me dégageai des bras d’Albert, et je m’assis sur un banc ; mon fils se précipita sur mes genoux, et suspendu à mon cou, il m’embrassait en pleurant.

— Vois donc, je n’ai aucun mal, lui dis-je ; puis, me tournant vers Albert, dont l’angoisse était visible : — Mais qu’avez-vous donc, mon Dieu ! vous m’avez effrayée plus que le lion.

Il me regardait sans parler et avec une fixité qui me troublait. Tout à coup, il saisit brusquement mon fils par l’épaule et le détacha de moi.