Page:Colet - Une histoire de soldat - 1856.djvu/16

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connaissant cette disposition saillante, quoique contenue, de son esprit, avaient insensiblement établi dans son salon la division dont nous avons parlé. Les jeunes filles se tenaient à part dans un angle écarté et parfois dans un boudoir attenant, où elles faisaient un peu de musique ou regardaient de belles estampes des grands maîtres. Le vieux savant donnait le signal de ces exils passagers, qu’il savait présenter comme des récréations.

» Si l’amour ou la métaphysique étaient sur le tapis, si l’ironie mordante ou la critique enflammée à propos d’une question d’art jaillissaient de nos lèvres convaincues, l’aimable vieillard s’éloignait quelques secondes du groupe des interlocuteurs, se rapprochait de celui des jeunes filles, et les attirait insensiblement à quelques distractions de leur âge ; il avait pour coutume de dire que les fruits se dessèchent et ne mûrissent pas quand on expose trop vite les arbres qui les portent à l’ardeur du soleil et au souffle des grands vents. Comme il récoltait de très-beaux fruits d’un espalier abrité qu’il cultivait lui-même, madame de Lerme, à qui il offrait leurs primeurs exquises, souscrivait en souriant à l’apologue qu’il en tirait.

Ce soir-là les jeunes filles riaient dans le boudoir,