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Page:Colette - Claudine à Paris, 1903.djvu/143

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doucement sur mes yeux à demi fermés. Il prolonge le jeu et déclare à la fin :

— Vous sentez… la cannelle, Claudine.

— Pourquoi la cannelle ? dis-je mollement, appuyée à son bras et engourdie de son souffle léger.

— Je ne sais pas. Une odeur chaude, une odeur de sucrerie exotique.

— C’est ça ! Le bazar oriental alors ?

— Non. Un peu la tarte viennoise ; une odeur bonne à manger. Et moi, qu’est-ce que je sens ? demande-t-il en mettant sa joue veloutée tout près de ma bouche.

— Le foin coupé, dis-je en le flairant. Et comme sa joue ne se retire pas, je l’embrasse doucement, sans appuyer. Mais j’aurais aussi bien embrassé un bouquet, ou une pêche mûre. Il y a des parfums qu’on ne respire bien qu’avec la bouche.

Marcel l’a compris, il me semble. Il ne me rend pas le baiser, et, se retirant avec une moue pour rire :

— Le foin ? C’est une odeur bien simplette… Vous venez au concert demain, hein ?