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Page:Colette - Claudine à Paris, 1903.djvu/166

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de la sorte je me procure l’utile numéraire.

— C’est inouï ! Je suis confondue !

— Maintenant, pourquoi je vous raconte tout ça, c’est une autre affaire. Je crois que vous cachez, sous l’ambition folle de sembler une grande personne à qui on n’en remontre pas, une âme enthousiaste et violente de fillette solitaire. Je ne m’épanche guère, vous l’avez vu, avec ce petit malheureux de Marcel, et j’ai des trop-pleins de paternité. Voilà pourquoi votre oncle n’est pas muet.

(Le cher homme ! J’ai envie de pleurer. La musique, l’énervement… quelque chose d’autre aussi. C’est un père comme lui qui me manque. Oh ! je ne veux pas dire de mal du mien ; ce n’est pas de sa faute s’il est un peu spécial… Mais celui-ci, je l’aurais adoré ! Avec l’embarras que j’éprouve toujours à montrer ce qui peut se trouver de bon en moi, je me risque…)

— Vous savez, je serais peut-être un très passable déversoir, moi.,.

— Je m’en doute bien, je m’en doute bien. (Ses deux grands bras se ferment sur mes épaules, et il rit pour ne pas s’attendrir.)