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Page:Colette - Claudine à Paris, 1903.djvu/198

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En face l’une de l’autre, à nous regarder sans rien dire, nous devons être impossibles. C’est Luce qui parle enfin :

— Oh ! tu as les cheveux coupés !

— Oui ; tu me trouves laide, pas ?

— Non, dit-elle tendrement. Tu ne pourrais pas. Tu as grandi. Tu es gente. Mais tu ne m’aimes plus ? Tu ne m’aimais pas guère déjà !

Elle a gardé son accent de Montigny, que j’écoute, charmée, l’oreille tendue à sa voix un peu traînante et douce. Ses yeux verts ont changé dix fois de nuance depuis que je la regarde.

— Il s’agit bien de ça, petite « arnie ! » Pourquoi es-tu ici, et pourquoi si belle, bon sang ? Ton chapeau est délicieux, mets-le un peu plus en avant. Tu n’es pas seule ? Ta sœur est ici ?

— Non, qu’elle n’est pas ici ! répond Luce, souriante avec malice. J’ai tout planté là. C’est long. Je voudrais t’expliquer. C’est une histoire comme dans un roman, tu sais !

(Son accent décèle une fierté insondable. Je n’y tiens plus.)