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Page:Colette - Claudine en ménage, 1903.djvu/278

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Ma hâte à me vêtir, cette heure indécise du petit matin me ramènent à des levers frissonnants de l’hiver, quand je partais pour l’École, gamine maigrelette, à travers le froid et la neige non balayée. Brave sous le capuchon rouge, je crevais de mes dents l’écorce des châtaignes bouillies, tout en glissant sur mes petits sabots pointus…

Je passe par le jardin, par-dessus les pointes de la grille. J’écris sur la porte de la cuisine, au charbon : « Claudine est sortie, elle rentrera pour le déjeuner »… Avant de franchir la grille, jupe relevée, je souris à ma maison, car il n’en est pas de plus mienne que cette grande case de granit gris, persiennes dépeintes et ouvertes, nuit et jour, sur des fenêtres sans défiance. L’ardoise mauve du toit se pare de petits lichens ras et blonds et, posées sur le pavillon de la girouette, deux hirondelles se rengorgent, pour faire gratter leur plastron offert et blanc, par le premier rayon aigu du soleil.

Mon apparition dans la rue dérange, insolite, les chiens préposés au service de voirie, et des chats gris fuient, silencieux et courbes. En sûreté sur le bord d’une lucarne, ils me suivent d’un regard jaune… Ils redescendront tout à l’heure, quand le