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Page:Colette - Claudine s’en va, 1903.djvu/105

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m’accuse en toute humilité deux heures après, seule avec mon image, assise à ma coiffeuse où je lisse et renoue mes cheveux défaits. Ma tête est libre, vide et claire. Les yeux cernés, la bouche pâlie, l’inappétence malgré mon jeûne d’un jour accusent seuls ma débauche du poison aimé. Pouah ! la vapeur refroidie et passée de l’éther colle aux rideaux ; il faut de l’air, de l’oubli, — si je puis…

Ma fenêtre au second étage, s’ouvre sur un triste horizon : la cour étroite, le cheval d’Alain qu’on panse, un gros palefrenier en chemise à carreaux. Au bruit de ma fenêtre, un bull noir assis sur le pavé lève son museau carré… Comment, c’est toi, mon pauvre Toby ! Toi l’exilé, toi le honni ! Il est debout, petit et sombre, et agite vers moi le souvenir de sa queue coupée.

— Toby ! Toby !

Il saute, il gémit en sifflant. Je me penche :

— Charles, envoyez-moi Toby par l’escalier de service, s’il vous plaît.

Toby a compris avant lui et s’élance. Une