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Page:Colette - La Seconde, 1955.djvu/8

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Elle rit bonnement et pela une pêche ruisselante.

Jane lui désigna du menton le petit Farou, mais le petit Farou ramassait, en les pressant sous son doigt, des miettes de sucre, les léchait et ne semblait pas avoir entendu.

— Vous comprenez, reprit Fanny Farou, Asselin a eu le rôle de la pièce pour la tournée parce que, tout de même, la tournée comprend Deauville, les plages et les casinos. Ce n’est pas rien, pour la tournée des casinos, d’avoir comme Asselin des autos, des amants, des robes, une publicité payée, enfin tout ce qui empêche une tournée d’été d’être une simple catastrophe… Vous me comprenez, Jane, pâlotte Jane ?

— Je comprends.

Elle était pâle et distraite, comme il lui arrivait quatre jours sur sept. Elle s’en excusa avec précipitation :

— J’ai mal dormi, figurez-vous…

Le petit Farou leva sur elle des yeux bleus qu’elle n’attendait pas, et ce fut à lui, machinalement, qu’elle s’adressa :

— … Et puis, je crois qu’il y avait un rat dans la boiserie…

— Et une persienne détachée, et une chouette dans le platane, sans compter le vent qui dit hûûû sous la porte, et la fenêtre de la cuisine qui fait tiquetiquetic, continua Fanny. Hein, Jean ? Est-ce que j’en ai oublié ?

Elle rit et les entraîna à rire.

— Jane, ma chère, mettez-vous bien dans la