Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/106

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de couleur » — quarteron, je crois — haut cravaté de blanc, l’œil pâle et méprisant, le nez long au-dessus de la lippe nègre qui lui valut son surnom.

— Laid, mais bien fait, poursuivit ma mère. Et séduisant, je t’en réponds, malgré ses ongles violets. Je lui en veux seulement de m’avoir donné sa vilaine bouche.

Une grande bouche, c’est vrai, mais bonne et vermeille. Je protestai :

— Oh ! non. Tu es jolie, toi.

— Je sais ce que je dis. Du moins elle s’arrête à moi, cette lippe… La fille de mon père nous vint quand j’avais huit ans. Le Gorille me dit : « Élevez-la. C’est votre sœur. » Il nous disait vous. À huit ans, je ne me trouvai pas embarrassée, car je ne connaissais rien aux enfants. Une nourrice heureusement accompagnait la fille de mon père. Mais j’eu le temps, comme je la tenais sur mes bras, de constater que ses doigts ne semblaient pas assez fuselés. Mon père aimait tant les belles mains… Et je modelai séance t