Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/14

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Il arrivait qu’un livre, ouvert sur le dallage de la terrasse ou sur l’herbe, une corde à sauter serpentant dans une allée, ou un minuscule jardin bordé de cailloux, planté de têtes de fleurs, révélassent autrefois — dans le temps où cette maison et ce jardin abritaient une famille — la présence des enfants, et leurs âges différents. Mais ces signes ne s’accompagnaient presque jamais du cri, du rire enfantins, et le logis, chaud et plein, ressemblait bizarrement à ces maisons qu’une fin de vacances vide, en un moment, de toute sa joie. Le silence, le vent contenu du jardin clos, les pages du livre rebroussées sous le pouce invisible d’un sylphe, tout semblait demander : « Où sont les enfants ? »

C’est alors que paraissait, sous l’arceau de fer ancien que la glycine versait à gauche, ma mère, ronde et petite en ce temps où l’âge ne l’avait pas encore décharnée. Elle scrutait la verdure massive, levait la tête et jetait par les airs son appel : « Les enfants ! Où sont les enfants ? »