Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/39

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enfantins proférés à tue-tête, avec des gestes grossiers des épaules, des jambes écartées, des grimaces de crapauds, des strabismes volontaires, des langues tirées tachées d’encre violette. Par-dessus le mur, la Petite — on dit aussi Minet-Chéri — a versé sur leur fuite ce qui lui restait de gros rire, de moquerie lourde et de mots patois. Elles avaient le verbe rauque, des pommettes et des yeux de fillettes qu’on a saoulées. Elles partent harassées, comme avilies par un après- midi entier de jeux. Ni l’oisiveté ni l’ennui n’ont ennobli ce trop long et dégradant plaisir, dont la Petite demeure écœurée et enlaidie.

Les dimanches sont des jours parfois rêveurs et vides ; le soulier blanc, la robe empesée préservent de certaines frénésies. Mais le jeudi, chômage encanaillé, grève en tablier noir et bottines à clous, permet tout. Pendant près de cinq heures, ces enfants ont goûté les licences du jeudi. L’une fit la malade, l’autre vendit du café à une troisième, maquignonne, qui lui céda ensuite une