Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/42

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joue, et surtout des ressemblances successives, mimétiques, qui l’apparentent à Jeanne, à Sandrine, à Aline la couturière en journées, à la dame du pharmacien et à la demoiselle de la poste. Car elles ont joué longuement, pour finir, les petites, au jeu de « qu’est-ce-qu’on-sera ».

— Moi, quante je serai grande…

Habiles à singer, elles manquent d’imagination. Une sorte de sagesse résignée, une terreur villageoise de l’aventure et de l’étranger retiennent d’avance la petite horlogère, la fille de l’épicier, du boucher et de la repasseuse, captives dans la boutique maternelle. Il y a bien Jeanne qui a déclaré :

— Moi, je serai cocotte !

« Mais ça, pense dédaigneusement Minet-Chéri, c’est de l’enfantillage… »

À court de souhait, elle leur a jeté, son tour venu, sur un ton de mépris :

— Moi, je serai marin ! Parce qu’elle rêve parfois d’être garçon et de porter culotte et béret