Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tubes coudés, le futur candidat, ses béquilles, et moi : un automne froid et calme pâlissait le ciel sans nuages, la jument prenait le pas à chaque côte et je sautais à terre, pour cueillir aux haies la prunelle bleue, le bonnet- carré couleur de corail, et ramasser le champignon blanc, rosé dans sa conque comme un coquillage. Des bois amaigris que nous longions sortait un parfum de truffe fraîche et de feuille macérée.

Une belle vie commençait pour moi. Dans les villages, la salle d’école, vidée l’heure d’avant, offrait aux auditeurs ses bancs usés ; j’y reconnaissais le tableau noir, les poids et mesures, et la triste odeur d’enfants sales. Une lampe à pétrole, oscillant au bout de sa chaîne, éclairait les visages de ceux qui y venaient, défiants et sans sourire, recueillir la bonne parole. L’effort d’écouter plissait des fronts, entr’ouvrait des bouches de martyrs. Mais distante, occupée sur l’estrade à de graves fonctions, je savourais l’orgueil qui gonfle le comparse enfant chargé de présenter au jon