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Page:Colette - Les Égarements de Minne, 1905.djvu/279

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fleuri, songe Minne, il y a la différence… la différence qui existe entre moi, par exemple, et la belle Suzie, qui devient si belle quand elle a un amant, un « bon » amant, comme elle dit… »

Silencieuse, Minne prend le bras d’Antoine qui l’a longtemps attendue, sous l’horloge, bien longtemps. Et ils sortent du Casino.

L’heure est théâtrale. Le vent a balayé les nuages ; Minne, surprise, lève vers la lune mauve la pâleur de son visage anxieux.

Les palmiers immobiles jalonnent la pelouse de l’allée qui descend vers le Casino, gazon ras où l’art déshonorant du jardinier inscrivit, en cyclamens pourpres et blancs, des dessins de châle français… Les hôtels rivalisent de blancheur crue, d’empâtements crémeux ; de massif en massif luit une plaque d’émail qui perpétue une courtoise menace contre la liberté des chiens… Mais la beauté de la nuit claire est surtout cela, et dans le vent qui tiédit passe une promesse de printemps…