Page:Collectif (famille Chauviteau) - 1797-1817 Lettres de famille retrouvées en 1897, 1897.djvu/210

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voir les sacrements. C’est là que, bien des fois, l’abbé de Cheverus célébra les saints mystères et goûta la consolation d’être reçu dans une famille chrétienne. Il y baptisa la petite Sérafine, née le 6 juin 1810, et l’année suivante, en 1811, un garçon nommé Francis. Ces souvenirs faisaient toujours venir les larmes aux yeux de Bonne-Maman, et l’on comprend comment elle dut accueillir, un jour, dans son salon de Paris, ce même missionnaire de Bristol, devenu le cardinal de Cheverus.

De nombreux émigrés venus depuis à Paris, aimaient à rappeler, avec celle qu’ils nommaient déjà la « bonne Madame Chauviteau », ces consolations de l’exil ; certes, ces jours de missions devaient être bien doux pour elle et la dédommager des privations de ce séjour en pays étranger. Le climat, si rigoureux l’hiver, la faisait beaucoup souffrir ; les incendies lui donnaient de fréquentes alarmes : plusieurs fois, elle fut obligée de s’enfuir à travers les rues, marchant demi-vêtue dans la neige, et portant dans ses bras ses chers trésors, ses petits enfants.

Ce fut aussi, en arrivant aux États-Unis, et dans un moment où Bon-Papa était retenu loin d’elle qu’elle perdit son petit Charles, ce Carlito chéri dont elle ne pouvait prononcer le nom qu’en versant des larmes.

En 1812 la guerre cessa, et Grand-Papa put retourner à la Havane. Il partit seul, le premier, pour rétablir ses affaires et juger la situation ; peu après, il rappelait Bonne-Maman et ses enfants. Les fils aînés, Jean et Louis, restèrent aux États-Unis, dans la pension française de M. Bancel.

Ce fut à ce retour de l’exil, en 1812, qu’en approchant des Bermudes, le navire, attiré par les feux trompeurs des pirates indiens, échoua ; il allait périr, le capitaine ne voulait pas faire abattre le mât. Bonne-Maman se porta caution des dommages et leva tous les obstacles. On dut chercher le salut en abordant aux récifs. La pauvre Bonne-Maman fut attachée à une planche, ainsi que ses enfants ; dans les canots des Indiens on gagna l’île de Providence, où l’on frèta un bateau pour rentrer à la Havane.

Le petit Ferdinand accompagnait sa mère — déjà, sans doute, il était fier, à quatre ans, d’être le cavalier et le protecteur de sa chère Mamita, au milieu des dangers qu’elle eut à courir. L’his-