Page:Collectif (famille Chauviteau) - 1797-1817 Lettres de famille retrouvées en 1897, 1897.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait été d’acheter une propriété près de Bordeaux, où son père, et sa mère étaient venus finir leurs jours et de s’y fixer avec ses enfants. Sa santé ne le lui permit pas. [l était devenu aveugle. Sa sœur, Mme Guénet, vint le voir et passa quelque temps auprès de lui avec sa fille Joséphine. Clara était au couvent. Ces moments auraient été bien doux pour Bon-Papa et Bonne-Maman, sans la cruelle appréhension qui planait sur eux. Bon-Papa avait demandé un prêtre, et depuis quelques mois il recevait les sacrements par le ministère de l’abbé Ledoux, vicaire de Saint-Roch.

Le 22 janvier 1823, comme il prenait encore avec plaisir quelques grains de raisin que lui offrait Bonne-Maman, un abcès qu’il avait dans la tête, sans doute depuis la fatale chute, creva inopinément et il mourut peu après, ayant conservé toute sa connaissance. Deux ou trois jours avant, il avait appelé Ferdinand, son troisième fils, et lui avait tout particulièrement confié sa mère, en lui disant qu’il comptait sur lui pour cette mission. Dans quelque soixante années, nous verrons cette chère Mamita expirer, elle aussi, entourée de soins et de tendresses, et Ferdinand sera encore là au poste de l’amour filial.

Notre pauvre Bonne-Maman restait donc veuve, à trente-six ans, dans un pays étranger dont elle connaissait à peine la langue et se voyait chargée d’une nombreuse famille. Son courage, soutenu par la religion, fut à la hauteur de ses devoirs nouveaux. Elle perdait un mari tendrement aimé et pour la mémoire duquel elle conserva une respectueuse fidélité : elle acheta un terrain au Père-Lachaise, y réservant sa place et celle de ses enfants. Le dessin du monument était toujours sous ses yeux dans sa chambre à coucher. Toute sa vie, elle fut fidèle à aller religieusement prier sur cette tombe et à faire dire des messes pour Bon-Papa. Chaque année, le 22 janvier, elle réunissait, à Saint-Roch, tous les membres de la famille et en toute occasion on la voyait rendre honneur à cette chère mémoire et rappeler à ses enfants les mérites et les bonnes actions de leur père. Le respect avec lequel elle en parlait, révélait ce qu’avait été son cœur pour lui. Elle demeura toujours le modèle de la femme chrétienne dans son veuvage, et si ses devoirs de famille l’obligeaient à aller dans le monde ou à recevoir, c’était à l’église qu’on