— Pardon, j’étais occupée à réparer un mur !
Balbutiant je ne sais quoi, je remis ma lettre qui fit un merveilleux effet. La glace rompue, je ne sais pas trop ce que je dis… Il paraît pourtant que je ne fus pas trop gauche… Je présentai assez heureusement mon Candide (car c’était un Candide en cinq actes), en faisant ressortir, on le pense bien, ce qu’il y aurait de piquant à voir collaborer Voltaire et Déjazet, etc., etc.
… Je déposai mon manuscrit sur la table, je serrai ses blanches mains avec effusion, et je pris la fuite sans me retourner.
Ah ! que j’étais léger cette fois !… que le ciel me semblait plus bleu, l’air plus caressant, les oiseaux plus gais, les fleurs plus tendres qu’à mon arrivée ! C’est qu’une voix secrète me disait : « Le charme est rompu, ton heure est arrivée ! » et ma jeune chance, emprisonnée jusque-là, brisait sa coquille et pour la première fois battait de l’aile… Je courais, je volais, je franchissais les fossés tout pleins (je crois les voir) de gros bouillons blancs et de fleurs des champs dont je fis une moisson que je rapportai pieusement. Il y a de cela douze ans bien comptés (1869), et leur parfum dure encore.
Et n’est-ce pas que c’est charmant et exquis ?[1]
- ↑ Resterait à savoir ce que devinrent ces cinq actes de Candide que Victorien Sardou apportait. Cogniard les avait refusés pour les Variétés ; Déjazet les reçut pour son théâtre. Mais la censure intervint, interdit la pièce. Déjazet demanda à Sardou une autre comédie pour remplacer Candide, et ce furent les Premières Armes de Figaro dont Vanderburck avait fait une façon de mélodrame où Figaro tirait sur Almaviva par-dessus un mur et dont Sardou, lui, fit une comédie brillante,