C’est d’une famille de « bleus » vendéens que sort M. Clemenceau. Il y a trouvé la tradition révolutionnaire, que ses études, la nature de son esprit devaient le porter à élargir. Tout enfant, il a vu son père arrêté au 2 décembre. Il a reçu une éducation à laquelle toute idée mystique est restée étrangère.
Si vous voulez connaître l’homme, entendez-le à la tribune. Aucune parole ne ressemble à celle-là. Nul ornement, sinon, de temps à autre, un trait mordant, un mot frappé à l’emporte-pièce. Nul souci d’arrondir la période ni de faire chanter la phrase. C’est de la dialectique toute crue. Cette discussion serrée, concentrée, rapide, n’a pas besoin d’apprêt et dédaigne toute parure. La parole de M. Clemenceau est nue, trempée, aiguisée comme un fleuret : ses discours ressemblent à de l’escrime : ils criblent l’adversaire de coups droits.
On connaît cette figure énergique, à grosses moustaches, aux cheveux ras ; le front bombé, les yeux noirs, le noir et fort dessin des sourcils en complètent le caractère. Les mouvements trahissent une brusquerie nerveuse, mais maîtrisée par une volonté de fer, par un sang-froid toujours en éveil. La voix claire, vive, décidée,