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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

là, en présence de la noblesse et du peuple assemblés, ils proclament solennellement la Trêve-Dieu. Sous peine d’excommunication, il fut dès lors défendu de faire la guerre du mercredi soir au lundi matin et durant la semaine sainte. Cette mesure, qui assurait une sécurité relative, fut accueillie par le peuple aux cris de : « Dieu le veut ! Dieu le veut ! Paix ! Paix ! »

En 1275, sans être achevée, la cathédrale était reconstruite. Ce splendide édifice atteste à la fois la piété des fidèles et l’art merveilleux auquel étaient parvenus les architectes et les sculpteurs du Moyen âge. Rien dans les conceptions les plus idéalistes des temps modernes n’atteint, même de loin, la merveilleuse beauté des sanctuaires gothiques. Le Moyen âge était une époque de contrastes : si l’on peut lui reprocher les criantes injustices dont il s’est rendu coupable, il faut reconnaître aussi que ce fut le temps des élans généreux, et que cette période, si souvent décriée, avait sa grandeur.

Le 20 octobre 1275, le pape Grégoire X fit la dédicace de la cathédrale de Lausanne, en présence de Rodolphe de Habsbourg, de 7 cardinaux, de 20 archevêques, de 17 évêques et d’une nombreuse suite de princes, de comtes et d’abbés. Lausanne vit, à cette occasion, une foule immense d’étrangers accourus de toutes les parties de la chrétienté. Le jour suivant, Rodolphe de Habsbourg, qui n’était encore que roi des Romains, prêta serment de fidélité à l’Église ; il reçut du saint-père l’imposition des mains et prit la qualité d’empereur. C’est ainsi que se termina, à Lausanne, un conflit séculaire entre l’empire et la papauté, et que fut scellée, entre la maison d’Autriche et la curie romaine, cette alliance qui devait être, pendant des siècles, l’un des pivots de la politique européenne. Ce fut l’occasion de fêtes splendides.

Peu après celles-ci, les Lausannois, de connivence avec le comte Philippe de Savoie, se révoltent contre leur évêque — Guillaume de Champvent — qui fut obligé de quitter la ville avec ses partisans (1282). Ce prélat parvint cependant, avec l’aide des gens de Lavaux, à rentrer en possession de Lausanne. La paix fut rétablie, grâce à la médiation de l’empereur Rodolphe. Quelques années plus tard, la lutte éclata de nouveau entre Louis de Savoie, baron de Vaud, et l’évêque (1295-1300) : nombre de Lausannois embrassèrent la cause de la Savoie.

Sous l’épiscopat de Georges de Saluces, en 1449, les Pères du Concile de Bâle, réunis à Lausanne, prirent acte de l’abdication de l’antipape Félix V, qu’ils avaient élu neuf ans auparavant, en opposition au pape Eugène IV, et reconnurent le pape Nicolas V, que le conclave de Rome avait élu à la mort d’Eugène IV en 1447. On sait qu’avant de porter la tiare, Félix V avait été comte de Savoie, sous le nom d’Amédée VIII, puis élevé à la dignité ducale en 1416 par l’empereur Sigismond. Après la mort de sa femme, qu’il aimait tendrement, il remit les rênes du gouvernement à son fils Louis, et se retira, avec quelques chevaliers, au couvent de Ripaille. C’est dans cette retraite que les Pères du Concile de Bâle étaient venus le chercher. Son désistement du trône pontifical mit fin au grand schisme d’occident ; il obtint en compensation le chapeau de cardinal et l’administration de plusieurs évêchés (Genève, Lausanne, Sion). Ce fut