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RÉVOLUTION DU 24 JANVIER 1798


XIII

Banquet des Jordils. — Les patriotes demandent la réunion des États de Vaud. — Révolution du 24 janvier 1798.

En 1791 des velléités d’indépendance se font jour. Le 14 juillet, jour anniversaire de la prise de la Bastille, les patriotes vaudois, sous prétexte d’un tir à l’arc, organisent un banquet patriotique sous les marronniers des Jordils, propriété du banquier Dapples. La fête fut suivie d’un feu d’artifice auquel assistaient, dit-on, près de trois mille personnes. Des discours véhéments y furent prononcés ; des acclamations et des cris de joie célébrèrent le triomphe de la liberté en France. À cette manifestation d’un caractère révolutionnaire, qui se continua, le lendemain, à Rolle, participaient des hommes appartenant à toutes les classes de la société : des propriétaires de biens nobles, d’anciens militaires, des fonctionnaires, des avocats, des médecins, des banquiers, des ecclésiastiques, des commerçants et des artisans. Pendant la fête, des conciliabules furent tenus, à la Razude, entre les délégués des diverses villes.

Très inquiètes sur les suites que de pareilles assemblées pourraient avoir, LL. EE. firent occuper militairement Lausanne par six mille hommes de troupes allemandes et soixante canons, qui rendirent ainsi la visite qu’en 1653 les Vaudois avaient faite aux habitants de la Haute-Argovie. Ces troupes se concentrèrent dans la vallée de la Broie sous le commandement du général d’Erlach, puis descendirent les pentes du Jorat en annonçant leur présence par de sinistres décharges d’artillerie. Une haute cour, composée de MM. Fischer, Haller, Frisching et Tscharner, procéda à une enquête ; elle manda à sa barre les principaux personnages qui avaient joué un rôle dans les banquets de Lausanne et de Rolle. Quelques-uns de ceux-ci, pressentant les rigueurs qui allaient suivre, prirent la fuite : tel fut le cas d’Amédée de la Harpe, seigneur d’Yens et des Uttins, qui parvint en France au grade de général et mourut au passage du Pô, dans un combat nocturne, le 8 mai 1796 ; de l’avocat J.-J. Cart, qui fut plus tard membre du Conseil législatif helvétique, membre de la Consulta suisse à Paris et président du tribunal d’appel du canton de Vaud ; du libraire Boinod, qui parvint en France au grade de général de division. Moins prudents, parce qu’ils se croyaient moins compromis, le secrétaire baillival Rosset et le capitaine Muller, seigneur de la Mothe, restèrent au pays ; ils furent arrêtés et envoyés à Chillon.

Il s’agissait d’humilier les Vaudois. Les députés des villes reçurent l’ordre de comparaître devant les représentants de LL. EE. Ils durent s’assembler au Champ-de-l’Air et se rendre au château de Lausanne, tête nue, entre une double rangée de soldats ; pendant qu’ils défilaient, les canons bernois annonçaient aux échos d’alentour que LL. EE. étaient encore maîtresses des rives du