Page:Collectif - Le Livre rose vol 2.pdf/379

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là cependant les plus grands malheurs de Garnier ; mais comme sa vie en était tissue, ses désagrémens les plus légers, se succédant ainsi sans relâche, finissaient, comme autant de gouttes d’eau, par composer un torrent implacable sous lequel Garnier se débattait en vain dans le plus affreux désespoir.

Dépérissant de honte et de rage, il ne pouvait concevoir comment une chute de cheval dans une allée sablée pouvait suffire pour lui faire perdre un cœur de femme. Il jura de ne plus aller au bois, de ne plus revoir Amélie, et sa bulle de savon, crevée par une épingle, lui remplit la cervelle de gaz méphitique en s’évaporant dans les airs. « Je ne m’étais pourtant pas fait le moindre mal, » se disait-il un matin en regardant dans un miroir sa face rubiconde couverte de larges estafilades de rasoir. Le pauvre diable ne songeait pas que c’était là le mal précisément. S’il s’était seulement enfoncé une côte, tout était sauvé, et les larmes les plus tendres, les baumes les plus fins auraient coulé le soir sur sa blessure. Alors il aurait pu, comme Caton l’Ancien, déchirer l’appareil sanglant et mourir pour celle qu’il aimait. Mais il s’était relevé à l’instant même, et il avait cru bien faire, en recevant avec un sourire la cruelle insulte du destin.

La plus noire mélancolie s’empara de lui : jamais il n’avait été plus complètement Byron. Pour la première